Par Ghislaine B. éditrice "art de vivre".
Comment procédez-vous pour obtenir la "page blanche" sur laquelle vous allez concevoir la nouvelle architecture intérieure et décoration de vos clients?
Esmerae: Pour mettre au goût du jour une maison qui a traversé les âges, parfois avec des interventions hasardeuses, notre première intervention consiste à inventorier les éléments d'architecture ou de décor, encore présents, qui signent la qualité d'exécution originelle voulue par son architecte. Et il arrive que les détails les plus intéressants soient révélés au moment des déposes...
Retrouver, sous un revêtement synthétique, une mosaïque issue des ateliers Odorico, pour ne citer que cet exemple, procure à la fois une excitation et des interrogations : Quels objectifs ont pu motiver sa dissimulation? Le client sera-t-il sensible à cette découverte qui remet complètement en cause ses choix esthétiques et/ou pratiques initiaux?
Notre travail consistera alors à évaluer le plus rapidement possible les alternatives qu'imposeraient la conservation de ce petit témoignage du passé avec deux choix possibles: le restaurer pour le mettre en valeur, ou le conserver à l'abri du regard s'ils sont répertoriés au patrimoine.
Que deviennent ces vestiges pendant la durée des travaux?
Esmerae: Nous les envoyons qui chez le menuisier puis le peintre (les portes par exemple) qui chez le doreur, le serrurier, l'ébéniste (les poignées, les ferrures, les serrures, les rampes, les boiseries, les modénatures diverses... et même les coffres-forts!). Les moulures et parquets sont sécurisés et protégés, aucune place n'est laissée au hasard.
Il arrive qu'on ait le désagrément de trouver de la mérule, un champignon lignivore qui attaque les structures des maisons et aime se confiner dans le noir hors d'air. Nous travaillons avec des entreprises spécialisées dans son éradication et dans la restitution des équilibres hygrométriques du bâti : bien souvent il suffit de restituer des joints à la chaux en place de joints ciment, et d'effectuer un chaulage des pierres avant de refaire les doublages de confort ou de décoration intérieure.
Ce type de découverte est fréquent?
Esmerae : Oui malheureusement. A l'heure où beaucoup de gens effectuent eux-même leur travaux pour bénéficier rapidement des plus-values sur revente, il n'est pas rare de découvrir des aménagements intérieurs propices au développement des champignons ou infiltrations! Les doublages sans aération, les papiers peints vinyles sur enduit ciment, et même les peintures pour crépi extérieur sur les charpentes et voliges... on a tout vu. La mérule et les société spécialisées dans sa suppression ont de beaux jours devant elles !
Quelle est votre plus belle découverte mise en valeur dans vos projets d'architecture intérieure?
Esmerae : Chaque projet, maison ou appartement, quelle que soit son époque de construction, est un trésor de surprises ! Dernièrement, à force de démolir tout ce qui avait été ajouté pour endiguer des problèmes de thermie, nous avons découvert que l'architecte avait dessiné toute la maison sur un rythme obsessionnel donné par le rectangle d'or! Nous avons fait débarrasser trois bennes de véranda aluminium, sols vinyle, parements de liège et de polystyrène... alors qu'une isolation du vide sanitaire et une meilleure ventilation auraient suffit, même sans double vitrages!
Nous sommes sensibles aux matériaux, et aux couleurs. Une cheminée peut devenir belle rien que par son environnement alors que le souhait initial du client était de la supprimer.
Quelque fois les choses les plus 'grosses' sont les moins visibles... c'est notre travail et notre passion de les remettre dans la lumière. Ce sont ces vestiges qui font la réelle valeur des maison construites, avouons-le, avec plus de moyens qu'on en met aujourd'hui.
C'est ce qui vous attire sur la côte d'Émeraude ?
Esmerae : Oui absolument. La région regorge de belles demeures effectuées avec une main d'oeuvre ultra qualifiée, que ce soit dans les années folles ou dans les trente glorieuses. On ne lésinait pas sur les belles pierres, les modénatures, les oriels de bois, les clôtures à claire-voie, les marquises, sans oublier les mosaïques, les sols de grès ou les parquets de pitchpin et de chêne... on a de quoi se régaler. Tout cela revient en force aujourd'hui parce que ce sont des techniques pérennes, et des associations de matériaux faites pour cette région humide et venteuse, mais aussi tempérée et lumineuse.
Et qu'est-ce qui vous a amener à rénover des demeures de la Côte d'Émeraude?
L'une et l'autre avons passé nos vacances ici et habitons à Rennes, où nos bureaux sont en plein centre. En 50 minutes nous sommes rendues en bord de mer ou de Rance. Tous les WE nous sommes à Dinard où nous avons toujours deux à trois projets en cours, chacun à un stade d'exécution, depuis la conception d'architecture intérieure jusqu'à la décoration.
Une fois goutée, on ne peut pas se passer d'une beauté pareille, et notre travail est un joli prétexte pour faire un petit plongeon dans la mer ou profiter d'une terrasse avec les ouvriers pendant la pose déjeuner. Et si la livraison des travaux approche, ce sont nos clients que nous invitons découvrir une belle table ! On vous invite chez Ombelle ?
Merci Ludmilla, merci Emmanuelle, merci Esmerae ;-)
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